Karl Marx, à propos du crime
et de sa productivité
(En hommage au Didot de
Hoefler)
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Pour
Anne-Doris Meyer, mon aimée, ma mieux aimée, inlassable chercheuse et dénicheuse de textes. |
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« D’autre part,
Achille est-il compatible avec la poudre et le plomb ?
Ou,
somme toute, l’Iliade avec la presse ou encore mieux la machine à imprimer ? Est-ce que le chant, le poème épique, la Muse ne disparaissent pas nécessairement devant la barre du typographe, est-ce que ne s’évanouissent pas les conditions nécessaires de la poésie épique ? » Karl MARX, Introduction à la critique de l’économie politique, 1859. |
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La productivité du crime,
texte de Karl Marx
Format 17,8 cm × 40 cm (ici en réduction à 50 %) Composition en Didot HTF, novembre 2016 Téléchargement du PDF. |
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Composition en
Didot HTF
(la police utilisée pour cette mise en page). |
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Composition en
ITC Galliard
(qui était peut-être la police utilisée en 1990). |
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Je
ne me souviens plus de la police de caractères que j’avais employée
alors, peut-être une des polices de labeur que j’affectionnais à
l’époque, peut-être même que c’était de l’ITC Galliard,
mais peut-être aussi que je préfère oublier ces errements de
jeunesse. En revanche, je me souviens à peu près du dispositif
graphique que j’avais adopté, le même que pour la présente mise en
page, avec la première ligne composée en très gros et les lignes
d’après en taille décroissante, jusqu’à arriver à la force de corps
de composition du texte. L’idée était de provoquer la surprise du
lecteur, de l’intriguer avec les premiers mots un peu bizarres qui
incitent à lire la suite pour comprendre de quoi il s’agit, et de
faire ainsi rentrer le lecteur
dans le texte, convaincu par sa logique au moins apparente, puis de
plus en plus évidente.
Cette
nouvelle mise en page n’est donc pas exactement à
frais nouveaux puisque j’ai conservé le
dispositif graphique, en tout cas tel que je m’en souvenais. Mais
j’ai bazardé tout le reste : le Galliard si c’était du
Galliard, le format de page que j’ai d’ailleurs totalement oublié,
l’empagement [1].
Extrait du Manifeste
communiste,
composition en Didot HTF. |
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J’ai
pris du didot, et plus exactement le Didot
d’Hoeffler (mais quel autre didot pourrait-on utiliser ?)
peut-être parce que depuis ma
mise en pages d’un extrait du Manifeste
communiste, pour moi Marx se compose
en didot.
Dans
cette page
unique, la largeur de colonne est commandée par la chasse de la
première ligne, sa hauteur par l’encombrement général du texte,
lequel dépend évidemment de sa force de corps et de son interlignage
— qui sont ici commandés par un triple impératif : la
lisibilité bien entendu, l’esthétique et aussi la contrainte
technique de faire rentrer la page à l’intérieur d’un format A3
pour en faciliter l’impression.
Quant
au format général de la page, il a été calculé à la fin, après la
composition du texte, ne consistant ici qu’à déterminer les blancs
tournants qui assurent l’équilibre général de la page et qui sont
son support matériel. Le seul problème, finalement, était de ne pas
obtenir une page trop étroite, pour éviter d’obtenir un effet
filiforme évoquant un peu trop le cou d’une girafe (il me semble y
avoir réussi) mais pas trop large non plus pour ne pas rendre le
texte obèse et lui garder son agilité (je crois aussi que j’y suis
parvenu).
Didot et corps optiques
Les dessins des polices de caractères devraient varier en fonction de leur force de corps, avec des jeux de petits corps proportionnellement plus gras et chassant plus que les grands corps, afin de préserver les détails du dessin des lettres et leur finesse, ainsi que le gris typographique. Cette habitude s’est malheureusement presque entièrement perdue : rares sont les polices numériques qui proposent plusieurs jeu de caractères, différents selon la force de corps.
6 | 11 | 16 | 24 | 42 | 64 | 96 | ||||||||||||
Caractères en
Didot HTF medium, du corps 6 au corps 96, mais ici
composés en corps 72 [2].
En haut, sans ajustement optique : tous les caractères sont rigoureusement identiques. En bas, avec ajustement optique : ils sont tous, subtilement mais réellement, différents. |
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Spécimen de
Didot,
probablement dû à Molé le Jeune, in Jan TSCHICHOLD, Treasury of Alphabets and Lettering, Omega Books, 1965. (Clic sur l’image pour l”afficher en grand.) |
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Quelques
polices échappent pourtant cette standardisation de leur
dessin : ainsi le Didot HTF, un « didot absolu »
dessiné pour le magazine Harper’s Bazaar,
pour lequel Jonathan Hoefler a créé sept jeux optiques de
caractères, tous différents et allant du corps 6 au
corps 96, permettant d’éviter l’amaigrissement ou
l’engraissement « mécaniques » qui se produisent quand on
réduit ou qu’on
agrandit les caractères numériques. Jonathan Hoefler raconte sur
cette page web l’histoire
du didot et la genèse de sa police, et explique sur cette
autre page la
raison d’être et les caractéristiques de ses corps optiques.
Respecter
les pleins et les déliés du didot, même dans les grands corps, est
donc une raison en soi
d’utiliser le Didot HTF, à laquelle s’ajoute la beauté intrinsèque
de cet alphabet, directement repris d’un spécimen de Joseph Molé Le
Jeune.
De gauche à
droite : Didot HTF 96 light, Le Jeune Poster light
et Le Jeune Hairline light, ici composés en corps 135. |
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Réglages techniques
Taille de la colonne :
12 cm × 35,2 cm.
Taille de la page : 17,8 cm
× 40 cm.
[1]
J’ai également rejeté la traduction proposée par la librairie
Tschann (un travail de D. Jon Grossman, qui a trop
librement adapté l’original et opéré une coupe arbitraire dans la
fin du texte) pour adopter, moyennant quelques corrections
essentiellement stylistiques, celle de Lucien Sève (Karl
Marx, écrits philosophiques, 2011, Flammarion), qui
elle-même suit assez étroitement celle de Gilbert Badia pour les
Éditions sociales (Le Capital, Livre IV,
Théories sur la plus-value, 1974-1976).
Sur
les problèmes posés par les éditions et les traductions
successives des textes de Karl Marx, sur l’impossibilité de
revenir à un texte originel apparemment introuvable, et par
conséquent sur l’impossibilité de savoir exactement ce qu’écrivait
Marx et quel était son propos, on lira avec intérêt le stimulant
ouvrage de Patrice Loraux, les Sous-Main de
Marx, Introduction à la critique de la publication politique,
Hachette, 1986.
[2] D’après Jacques ANDRÉ, « Caractères numériques : introduction », Cahiers Gutenberg nº 26.