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Opus Lacroussianum Magnum
Orthotypographie, par Jean-Pierre Lacroux


Pour Éric Angelini, père
authentique de ce livre bâtard…

« Et pourtant nous pouvons affirmer que
[la correction typographique] est souvent […]
négligée. Le travail de la correction est considéré
comme une non-valeur et, comme tel, rétribué
le moins possible… lorsqu’on veut bien le rétribuer. »

Jean D
UMONT, Vade-mecum
du typographe
, Bruxelles, 1915-1917.


C’est en août 2003 que j’ai découvert et commencé à explorer le tapuscrit de Jean-Pierre Lacroux : Orthotypographie (téléchargement des PDF). Il a fallu attendre mai 2005 pour qu’à la suite de nombreux débats, je me décide à en éditer le texte et à le mettre en pages, entouré d’une (petite, mais vaillante) équipe de correctrices et de correcteurs : ce travail n’a été achevé qu’en janvier 2007. Ma seule distraction « lacrousienne » pendant ces années de travail aura été, en mars 2006, de composer à ma façon un petit essai sur une liste de mots féminins se terminant par -eur, dont on trouvera ici deux mises en pages différentes et ci-dessous sa composition définitive dans Orthotypographie.



Les « Mots en -eur » tels qu’ils apparaissent
dans Orthotypographie, vol. I, article « Féminin »
Composition en Formata, corps 8 interlignage10,
(mai 2005-janvier 2007)
à comparer avec mes deux mises en pages de mars 2006.


On peut également voir ici quelques doubles pages d’Orthotypographie, consulter sa version HTML et télécharger les PDF de la totalité de l’ouvrage. Ailleurs sur ce site, on trouvera également des liens vers le PDF du Typographique Tombeau de Jean-Pierre Lacroux.



Ce n’est pas le lieu de raconter en détail l’histoire de l’édition de ce livre, ni d’évoquer longuement les mésaventures qui l’ont suivie — en particulier la mise en échec du premier projet de publication. Une version abrégée de l’ouvrage, mise en page par Toute la ville en parle (Toul) sur la base du travail effectué pour Orthotypographie, a heureusement pu être publiée par les éditions Quintette sous le nom d’Orthotypo. Le lecteur pourra s’y référer en toute confiance : elle recueille l’essentiel du tapuscrit de l’auteur — mais pas hélas ! les débats sur Internet (voir ci-dessous les choix éditoriaux de l’équipe) ni la plupart de l’abondante bibliographie.

Suivant la volonté des concepteurs et des artisans du projet, Orthotypographie est donc devenu un objet vivant : outre la version en librairie, son texte au complet circule sur Internet, sous licence Creative Commons. Il est ainsi devenu accessible à tous : la culture, le savoir, l’enseignement de son auteur ne seront pas perdus — ni ses quelques bourdes et ses rares erreurs, si heureusement rattrapées par son inimitable sens de l’humour : Orthotypographie n’est pas seulement un livre qui captive, c’est un livre qui, de bout en bout, fait rire de plaisir ses lecteurs.


Typographie



Un extrait (agrandi) de l’article « Anti »,
en Adobe Garamond .


Le même extrait, en Caslon…


…et en Perpetua.

Les interlignages et la force de corps sont restés identiques dans ces trois exemples, sans réglages spécifiques.





S’il ne s’agit pas de refaire ici l’histoire de ce livre, c’est peut-être le lieu de parler un peu de sa typographie.

Concepteur et « directeur éditorial » de l’ouvrage, je disposais de peu d’éléments : un tapuscrit de bric et de broc, une (mauvaise) prémaquette établie par l’auteur, dont je n’ai gardé que le format final de papier et la police du texte principal : l’Adobe Garamond (voir à droite mes essais de police). Tout au moins le tapuscrit était-il saisi en Adobe Garamond. Jean-Pierre Lacroux avait d’ailleurs parlé sur la liste Typographie de cette question de choix de police en faisant très probablement allusion à son œuvre 
[1]. J’aurais bien utilisé du Caslon, mais dans ce cas pourquoi pas du Garamond ?

J’ai aussi été tenté un instant par le Perpetua : ce caractère eût parfaitement convenu à l’ouvrage… mais il m’était impossible d’employer une police dont les italiques démentent ce qu’en dit l’auteur : que leurs bas de casse n’ont jamais d’empattements…

J’ai donc gardé le format du livre, 14,5 × 21 cm et le Garamond : j’ai bazardé tout le reste… L’empagement est banalement celui du Canon des imprimeurs. Les « vedettes » des articles sont en Gill Sans (petites capitales demi-grasses de mon cru : je ne connaissais pas encore le Gill Sans de Linotype qui possède de vraies petites capitales dans toutes les graisses et déclinaisons possibles).

La mise en pages reflète et assume, dans son ensemble, le caractère fragmentaire d’Orthotypo-Lacroux : un texte inachevé et sans doute inachevable. Ainsi, la « mise au long » des exemples contenus dans le texte entraîne vers une autre lecture que celle de pure consultation : plus lente, cursive, mettant mieux en valeur les aspects poétiques et souvent drolatiques de l’écriture de Jean-Pierre Lacroux.



Un extrait de l’article « Gris » montrant l’alternance de l’Adobe Garamond (corps 10,5, interlignage 12,2) et du Formata (corps 8 interlignage10).




Le choix éditorial était d’augmenter le livre d’un fort volume de mails, choisis dans un immense corpus rassemblé par Jean Fontaine. Il fallait que ceux-ci soient faciles et agréables à lire tout en restant discrets : après de nombreuses hésitations et quelques essais, j’ai décidé de les composer dans une version interpolée entre le Light (trop léger) et le Normal (trop gras) du Formata, une linéale humaniste pas bien jolie mais pourvue d’authentiques italiques, qui me semblait s’harmoniser à peu près et trancher à la fois avec le reste (et le principal !) du livre.


Hommages


Il me faut ici rendre trois hommages :
— Le premier à Thierry Bouche, qui a suggéré le programme de travail et a fort judicieusement critiqué mes premiers essais de mise en pages (ceux de mai 2005), m’aidant notamment à établir le gris typographique de l’ouvrage ;
— le second à Martine Burny, qui a notamment (mais pas uniquement) travaillé avec moi au débalisage d’un texte typographiquement surbalisé (un comble lorsqu’on a lu ce qu’en dit son auteur), à l’harmonisation du système de sous-titres et de sous-sous-titres, à l’introduction de lignes et de demi-lignes blanches destinées à structurer les pages ;
— le troisième à C. Marie Chevalier, qui a tout particulièrement veillé à l’équilibre final des pages. Marie a aussi effectué le choix des culs-de-lampe qui égayent et calent le pied de certaines des pages de ce livre. Par la suite, elle a eu un rôle majeur dans la mise en ligne du livre en HTML, la révision de la dernière version des PDF et l’édition de la version « abrégée » aux éditions Quintette.












































La succession des culs-de-lampe…
La grappe de raisin, à droite, m’a servi à caler les fins de chapitre.


— Et un quatrième hommage, global, à toute l’équipe de correction : une des mille difficultés de ce travail était que sa forme devait rester fidèle à la leçon de son auteur. Pas question que l’on puisse dire : « dans le Lacroux, c’est composé ainsi… » alors qu’ailleurs, au détour d’une page, Jean-Pierre préconise explicitement ou implicitement une autre méthode de composition ou de mise en pages.

Mes « censeurs » furent attentifs, sourcilleux, inflexibles : si je revendique pour mien ce que je crois être le charme de ces pages, il est évident que la rigueur de leur composition doit être attribuée à cette formidable équipe
 [2].



Les couvertures des deux volumes. (téléchargement des PDF).
Dessins de L.L. de Mars, maquette d’Anne Guilleaume.
Composition en Antique Olive, corps 15, 2 et 35.
Format : 14,5 × 21 cm.






Couvertures

Les deux couvertures sont dues à l’immense talent de L.L. de Mars (pour les dessins) [3]. ici servi par une excellente maquette d’Anne Guilleaume. J’ai moi-même choisi l’Antique Olive de la titraille, une police dont l’impact ne s’use pas, en dépit (ou à cause ?) d’un dessin légèrement désuet.

On verra également sur cette page un essai que j’avais fait au préalable, mais qui a été rejeté assez unaniment par l’équipe de travail…

Miscellanées

• Le texte de Jean-Pierre Lacroux a été composé en Adobe Garamond corps 10,5, interlignage 12,2, Les citations en épigraphe, les tableaux et les notes sont en corps 8,5, interlignage 10. Quelques exemples sont en corps 15.

• Les vedettes des articles sont en Gill Sans gras (version spéciale « petites capitales ») corps 11.

• Les débats sur Internet sont composés dans un dérivé du Formata, corps 8 (pour le texte) et 9,5 (pour les intertitres), interlignage 10 — à noter que cet interlignage n’est pas constant et qu’au contraire de la partie en Garamond, la composition de ces débats n’est pas « alignée sur la grille », hormis bien entendu les éventuelles lignes de haut et de bas de page, qui respectent scrupuleusement le registre. Les rares notes de cette partie de l’ouvrage sont en Formata corps 7,5, interlignage 9.

• Est-ce un effet de mon grand âge ? Je compose de moins en moins serré, mon gris est de plus en plus clair, et je rechigne désormais à trop jouer avec les interlettrages négatifs pour éviter les lignes « lavées », trop blanches. Pour cet ouvrage en Garamond, la valeur de l’espace-mot a cependant été légèrement diminuée, comme j’en ai désormais l’habitude. Dans de rares cas, j’ai dû légèrement étroitiser ou élargir les caractères des lignes, refaisant dans XPress, « à la main » et avec une infinie prudence, ce que d’autres logiciels (TeX, InDesign) font par défaut, avec parfois des paramètres un peu hasardeux.

Le C&J (attribut de paragraphe) employé pour le texte principal, en Garamond, est le suivant :
— espace à 95 % de sa valeur théorique, pouvant se rétrécir jusqu’à 90 % et s’élargir jusqu’à 100 % ;
— interlettrage pouvant varier de –2 % à 5 %, la normale étant fixée à 0 %.

• Le Formata m’a posé un problème, ses talus d’approche très rétrécis convenant difficilement à une composition en petit corps : les lettres avaient tendance à se cogner les unes aux autres.

Par ailleurs, le style assez particulier (mi-oral mi-écrit) employé par certains intervenants ainsi que le style très particulier de Jean-Pierre Lacroux (abondance de points de suspension et de ponctuations diverses et à répétition, phrases parfois très courtes mais souvent démesurément longues, incises, apartés, interpellations et interpolations) générait… des lignes hachées, trop serrées ici, trop relâchées et comme trouées là. Ainsi qu’une abracadabrante succession de césures et de coupes, généralement fausses.

Il me fallait traiter ce problème globalement, et il a été réglé à l’aide du C&J suivant :
— espace à 100 % de sa valeur théorique, pouvant se rétrécir jusqu’à 90 % et s’élargir jusqu’à 105 % ;
— interlettrage pouvant varier de 1 % à 5 %, la normale étant fixée à 3 %.


Colophon





Le colophon d’Orthotypographie.
La composition en Adobe Garamond va du corps 11,5 au corps 6,75.







Difficile de ne pas créer de colophon pour ce livre : on m’attend désormais au tournant… Mais il était tout aussi difficile de trouver lequel créer : Jean-Pierre Lacroux n’appréciait guère ces exercices de style allant « de la belle formule sèche au générique à la Sacha Guitry » (article « Colophon »). Le terme « générique à la Sacha Guitry » fait ici implicitement référence au colophon que j’avais composé pour mon premier Maldoror, et sous le clavier de Jean-Pierre, il s’agissait d’une remarque qui se voulait assassine.

Je m’en étais « vengé » avec celui que j’avais composé pour son Typographique Tombeau, il est vrai que Jean-Pierre n’était plus là pour protester… Mais pas question de récidiver dans Orthotypographie, qui est et doit demeurer, de la première à la dernière page, le livre de Jean-Pierre Lacroux.

Alors j’ai fait quelque chose qui n’est pas exactement une « formule sèche », mais qui à tout le moins évite le lyrisme du texte tout autant que de la forme et, selon la leçon de Jean-Pierre, est subtilement mais réellement dissymétrique (ici sur son axe horizontal et par le jeu des polices employées).



[1] Lire, sur le site de la liste Typographie, le fil intitulé Une police sobre, à partir du 14 mars 2000.
[2] On trouvera la liste complète des membres de cette équipe ici.
[3] On croise L.L. de Mars ailleurs sur ce site, puisque il est le dessinateur et le maître d’œuvre d’une superbe édition des Chants de Maldoror aux éditions 6 Pieds sous terre, dont j’ai eu le plaisir de typographier le texte.



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