Une interprétation de Lévitique 11
Il y a longtemps que je suis fasciné par les listes (voir sur
ce site ma remarque à ce sujet, au début du commentaire sur Hermès dévoilé), et par les questions typographiques quelles posent : problèmes
de lisibilité et daccessibilité aux items de la liste, problèmes
esthétiques de rupture du gris dans la page.
Février 2003
Composition en Reliq, corps 13,5.
Format : 21 cm × 21 cm
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Jamais, sans doute, ne parviendrai-je au degré de perfection atteint
dans la mise en pages des éditions récentes de La Cuisine pour tous (Ginette MATHIOT, Le Livre de poche).
Mais pour décorer la mienne (de cuisine), jai voulu à mon tour
tenter ma chance. Cest Lévitique 11, une liste prescriptive et phobique des aliments autorisés
et surtout des aliments interdits par la Révélation mosaïque,
qui men a fourni loccasion.
Ma première idée était simplement de souligner, par un artifice
typographique, les noms des animaux dont la consommation est illicite
aux yeux du Dieu des Hébreux. Le porc bien entendu, mais aussi
le lièvre, les grenouilles et dautres bestioles aux noms depuis
longtemps disparus. Les sauterelles, en revanche, sont parfaitement
autorisées à la consommation… Lidée première était de jouer avec
la graisse et le dessin de Reliq, une scripte au style archaïsant :
cette MultipleMaster possède deux axes, du plus maigre au plus
gras, et du dessin le plus simple au graphisme le plus déjanté.
Très vite, je me suis heurté à la division traditionnelle du texte
en versets, qui permet la lecture et la scande. Quen faire ?
Je ne voulais pas mettre de sauts de ligne, ni de puces ou de
tirets, ni surtout garder la numérotation des versets. Du coup,
jai aussi engraissé les premiers mots de chaque verset, comme
les noms danimaux (mais avec une graisse un peu plus lourde) :
jai ainsi traité de la même façon la structure du texte (liste
de versets) et les obsessionnels détails du commandement divin.
Ce procédé dengraissement, certes contestable, est aussi employé
dans les petites annonces : on ninvente jamais rien…
Pour la mise en pages proprement dite, je me suis laissé guider
par le hasard, avec pour seule contrainte de faire rentrer la
totalité du texte dans un format daffichette. Javais vaguement
lintention de créer une sorte de réseau labyrinthique, aux fins
dy faire circuler la sainte et autoritaire parole : la succession
des damiers est venue toute seule. Ce nest quaprès que je me suis aperçu quon pouvait aussi comprendre cette page
comme une allusion au dispositif graphique des Bibles médiévales,
dont le texte est enchâssé dans des strates de commentaires.
La routine du typographe :
Le texte est composé en corps 13,5, interligné 10,5.
Les C&J sont réglés de la façon suivante : espace optimum à
95 %, espaces minimum à 85 % et maximum à 100 % ; intervalles
entre caractères de 0 % pour les intervalles normaux et minimum,
et maximum de 5 %.
Les césures ont été placées de façon manuelle, dans le seul
but de supprimer lézardes et lignes blanches.
Le texte a été patiné mot à mot pour minimiser les rencontres
hasardeuses entres hampes descendantes et ascendantes des lettres.