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Le blond whisky et l’aÿ giboyeux
À propos de 199 pangrammes
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Pour Anne-Doris, pour sa patience en particulier et pour son rire en général.

Pour Éric Angelini, dont la curiosité
et la générosité sont pour moi
des raisons de vivre.



« En néerlandais, par exemple, le « e », le « n », le « a » et le « t » sont fréquents,
le « f », le « y », le « w » et le « q » beaucoup moins. Les fonderies de caractères
[en plomb] livraient les lettres au kilo, la quantité de chacune d’elles étant
proportionnelle à sa fréquence dans la langue en question. [Mais] il pouvait
arriver que l’ouvrier tombe à court de certaines lettres. [Il fallait alors] défaire
un texte composé antérieurement pour en récupérer d’autres et continuer.
 »

Gerard U
NGER, Pendant la lecture, éditions B42, 2015.












« Un pangramme, explique Éric Angelini sur son site web, est une phrase ou un texte qui contient une fois au moins les vingt-six lettres de l’alphabet. L’annuaire des abonnés au téléphone de la ville d’Ostende, pour peu qu’il se hissât au rang de texte, est un bon exemple de pangramme. On connaît, en moins épais, le célèbre alexandrin suivant : Portez ce whisky vieux au juge blond qui fume ! » Et plus loin, il ajoute : « Chaque langue a son (ou ses) pangramme(s) favori(s). Voici pour l’anglais : The quick brown fox jumps over the lazy dog (le vif renard brun saute par dessus le chien paresseux). »

Le Blond Whisky et l’Aÿ giboyeux (détail)
Composition en Surveyor, Obsidian 
et Ideal Sans, février 2017.
Format 36,2 cm × 36,2 cm.
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Le 13 janvier 2017, j’annonçais à Éric Angelini, par mail, qu’enfin le célèbre renard brun l’avait fait : sauter au-dessus d’un chien paresseux. J’avais lu l’époustouflante nouvelle sur un forum de PAO, et j’envoyai à Éric le lien vers la vidéo dont est issu le GIF animé ci-contre. Et en discutant, et en réfléchissant, j’ai eu l’idée de faire non pas un nouveau pangramme, j’en suis bien incapable, mais une page de pangrammes, 199 pangrammes accumulés en carré, extraits de sites web divers [1] et dont je remercie ici chaleureusement les auteurs.

Au début c’était étrange, je ne voyais cette page de pangrammes que composée en ComicSans, autrement dit l’abomination des abominations. Puis j’ai eu l’idée farfelue mais totalement stérile de composer chaque pangramme dans une police différente, choisie au hasard dans ma typothèque et dont le nom porterait en initiale la première lettre du pangramme correspondant. La recherche des polices s’est très vite avérée extrêmement fastidieuse et c’est heureux comme ça, car la paresse l’a emporté et bien vite j’ai abandonné ce projet imbécile.

Alors je me suis retourné vers les formes classiques, des polices de Benjamin HoeflerLe Surveyor (une magnifique didone) pour le texte principal, l’Obsidian, sa version « normande » (ultra-grasse) et azurée (avec des rayures) pour le grand pangramme du centre de la page, l’IdealSans (une linéale) pour le colophon au verso de la page.

En haut à gauche, composition en Obsidian (Folcotone 2329),
juste en dessous, composition en Obsidian (Focoltone 5044),
et ci-dessus, composition en Ideal Sans (gris à 65 % et 75 %).


Le reste est allé assez vite : j’ai isolé le magnifique pangramme qui tiendrait la vedette, classé les autres par ordre alphabétique et décidé rapidement de la taille des lettres et de l’interlignage, du principe de séparer les pangrammes par une puce, elle-même précédée et suivie par des espaces de chasse invariable pour assurer un rythme régulier à la page, d’employer une couleur discrète (Focoltone 5044 pour le texte principal, Focoltone 2329 pour le texte en accroche, gris pour le colophon), de ne pas mettre de marge ou presque [2], d’empêcher toute césure.



Le Blond Whisky et l’Aÿ giboyeux
(page entière, en réduction)

Le format, 36,2 cm de côté, a été déterminé en contrôlant l’encombrement du texte dans la page : quand c’est tombé « presque juste » et qu’avec un format donné la dernière ligne du pavé de texte était presque remplie, j’ai simplement chassé un peu en amont, supprimant au passage des mots isolés en fin de ligne pour que la dernière ligne du pavé de texte soit enfin remplie. Et enfin, quelques lettres tombaient mal, un « f » en bout de ligne, un « j » en début de ligne, dépassaient hors de la colonne de texte : j’ai dû bricoler pour les faire rentrer un peu…

La boucle du « f » dépasse…
… il faut la faire rentrer !

Et puis je me suis trompé dans mes C&J (voir plus bas les valeurs que je leur aie affectées). Pourtant tout a bien fonctionné dans ma page, alors qu’avec des valeurs plus proches de la normale j’obtiens un peu partout des lignes lavées ou trop serrées… Je soupçonne les ingénieurs de Quark-Xpress d’avoir bricolé un truc ou un machin qu’ils ont mal contrôlé dans la version 2016 du logiciel, peut-être en voulant améliorer encore le moteur de composition — ce qui nous promet hélas ! des lendemains qui déchantent…


Détails techniques

Composition : Surveyor corps 12,5 interlignage 16, Obsidian corps 48 interlignage 48,8 et IdealSans corps 9 et 10,8 interlignage 10,2.
Espaces-mot : minimum à 75 %, optimum à 95 % et maximum à 115 % (oui je sais, c’est bizarre). À noter que les espaces du texte en Obsidian ont été très fortement réduites.
Interlettrage : optimum à 0 %, –1 % au minimum, +1 % au maximum.
Taille de la page : 36,2 cm × 36,2 cm (mais on pourra nettement l’agrandir à l’impression…).


Addendum

Jonathan Hoefler, qui est le créateur des polices utilisées dans ce travail, a également écrit un passionnant article sur l’usage des pangrammes dans son travail de conception typographique. On s’y reportera avec énormément d’intérêt…


[1] Ces pangrammes sont principalement extraits des sites suivants : Pangram.me, Cette adresse comporte cinquante signes, Fatrazie, du site web de Gilles Esposito-Farèse (qui est aussi l’auteur du magnifique pangramme placé au centre de la page), ainsi que de Wikipedia. Il est à noter que j’en ai retravaillé certains : s’ils comportent des erreurs, je suis le seul fautif.

[2] En fait je n’avais pas mis de marges du tout, hormis un petit filet technique d’environ un millimètre pour éviter que lors de la coupe, des lettres soient abîmées par un méchant coup de cutter… Une première version imprimée de la page m’a convaincu que j’étais très sérieusement dans l’erreur : ce texte a besoin d’une petite marge blanche pour pouvoir respirer et vivre. Tous les textes en ont besoin, évidemment : c’est le blanc des marges qui fait tenir la page ! Alors j’ai mis 4 mm de blanc tournant, espérant cette fois ne pas m’être trompé.


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