Les
mots des blancs en typographie
par
Jean-Denis Rondinet
Pour
Anne-Doris aimée, qui partage avec moi une fascination pour les listes. |
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« La
lumière — la luminosité de la surface non-imprimée —
provient
d’en haut et d’en bas et glisse sur les contreformes des caractères et des espaces qui les séparent. En outre, la lumière qui vient du haut est plus active que celle qui vient du bas. […] Ce phénomène est ignoré de la théorie fondée sur l’“équivalence des surfaces” alors qu’il est au cœur de l’étude des équivalences lumineuses. » Jost HOCHULI, le Détail en typographie, éditions B42, 2010. |
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I. Choix de polices.
Les Mots des blancs
2-5 octobre 2015. Format A2 (42 cm × 59,4 cm). Composition en Tisa et en Bauer Bodoni. Téléchargement du PDF. |
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Composition en Chronicle.
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Composition en Tisa.
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mais aussi le soin apporté aux jointures, aux terminaisons et aux
empattements (lesquels sont dissymétriques, à rebours du dessin
traditionnel de nombreuses mécanes). Notons enfin les angles
différents des accents sur les capitales et les bas de casse, et son
italique, dont l’allure générale et la rythmique en font une police
autonome par rapport au romain.
Les angles
des accents. |
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Jointure, terminaison et
empattements
de la lettre N du Tisa. |
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Romain et italique.
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II.
Détails typographiques.
Titre de l’affiche :
composition en Bauer Bodoni et en Didot Ornaments |
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Le croquis des talus,
en NexusSans Italique et Bauer Bodoni. |
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L’esperluette « bas de
casse »
(composée en demi-gras)… |
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… et le « s long » du
Tisa…
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… mis au travail dans la
citation
de l’Encyclopédie. |
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L’article « Lavé »
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Le texte, aligné sur la
grille…
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Exemple de « vilaine
césure ».
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Je
voulais donc utiliser une mécane et je voulais une composition en
placard, sur une seule grande page qui puisse servir d’affiche :
en regardant le résultat, on pensera peut-être aux journaux du XIXe siècle
avec leur verticalité rigoureuse et leur gris dense et presque noir.
Le gris presque uniforme de cette grande page (à l’exception bien sûr
des nombreux gras, des rares italiques et des abréviations, qui font
une grande partie du charme de ce texte) n’est ici rompu que par
l’emploi du Bauer
Bodoni pour le nom de l’auteur et le titre, ainsi que pour les
crédits en bas de page, par les deux illustrations voulues par
l’auteur et par trois filets horizontaux pris dans l’excellent Didot
Ornaments. Le
choix de la force de corps et de l’interlignage est le résultat d’un
compromis : il me fallait rester lisible et harmonieux, et en
même temps remplir cette page au format A2 sans créer de blancs
disharmonieux et sans laisser déborder le texte. Je crois que le
résultat n’est pas trop mauvais.
Pour
les légendes du croquis représentant les divers talus des lettres en
plomb, j’ai choisi le joli NexusSans
italique de Martin
Majoor, qui m’a paru bien s’intégrer au reste de la composition
tout en s’en distinguant suffisamment.
On
notera enfin que cette page d’apparence simple est en réalité bourrée
de petites astuces typographiques. D’abord parce que j’ai entièrement
composé le texte « dans le registre » : il est
régulièrement interligné sur la ligne de base — sauf bien entendu les
pavés de texte en petits caractères, que j’ai dû parangonner. Ce choix
m’a obligé à longuement « patiner » le texte, resserrant ou
desserrant les lettres ici ou là, les étroisant parfois légèrement,
forçant le texte à de vilaines césures pour éviter les lignes trop
creuses ou trop serrées ainsi que les veuves et les orphelines [1].
Ensuite,
parce que j’ai voulu jouer un peu en adoptant le
« s long » pour la citation extraite de l’Encyclopédie :
tant qu’à conserver aux mots leur graphie du XVIIe siècle,
autant reprendre les formes archaïques du dessin des lettres.
Au passage, j’ai aussi adopté la formule de l’espace variable devant
les virgules, à l’ancienne, et j’ai simulé
l’existence d’une esperluette
« bas de casse » en la composant avec la version
demi-gras de la police et en réduisant la force de corps.
Enfin,
parce qu’après bien des hésitations et des repentirs, j’ai décidé
d’abandonner les ligatures dites « techniques » (celles en «
fi », « fl », « ff », etc.) du texte en
romain maigre, qui ne sont ici vraiment pas nécessaires — les
conservant néanmoins pour le gras et l’italique.
Exemples de ligatures,
présentes ici en gras (et en italique,
ailleurs dans la page), mais omises en romain maigre. |
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1.
On se souviendra ici de la phrase de Désiré Greffier qu’aimait
à citer Jean-Pierre Lacroux : « Ce n’est que pour
faciliter l’espacement régulier qu’il a été admis de séparer un mot
en deux tronçons. Par conséquent, lorsqu’une des règles qui
président à la coupure d’un mot mettrait dans la nécessité, pour
être suivie, d’espacer irrégulièrement, il vaudrait mieux faire une
mauvaise division qu’un mauvais espacement. » — Désiré GREFFIER,
les Règles de la composition typographique,1898.
III. Réglages techniques.